TRAITRISE

Publié le par * Andromède *



Montagne, lorsque je te regarde j’oublie la fureur qui gronde en moi, je m’oublie en toi. A l’ombre de nous même, je partage l’issue d’une histoire sans lendemain. Dans l’obscurité d’un horizon lointain, je tente vainement de discerner la lueur d’espoir, celle-là même qui hier encore te faisait défaut.
Dans la brume de mes songes engourdis, soudain l’innocence tente une incursion : j’ai peur. Peur qu’elle n’éclate, ballotée par la mer tourmentée, contre les récifs de ton inconscient submergé. Besoin d’oublier, désir d’ignorer, je cours toujours.

Des visages m’entourent. Je veux les voir pour mieux les dessiner, mais ils se confondent tous dans un rideau de pluie : insouciance d’une jeunesse épurée, chatoyance d’un amour désiré, impatience d’une attente maîtrisée. Je lis dans leurs yeux les attentes, les envies, les oublis d’une humanité désenchantée. Et tout se confond : le nain de jardin avec le jeune à jeun, le vieil homme impatient qui hume les senteurs de son passé desséché, la femme en mal d’amour qui feint la faim d’une histoire sans fin …

Je me détourne et, au dessus de la cheminée, je distingue une croix de bois. Que fait-elle ici ? Et si, oubliée par un être venu d’une autre planète, elle n’était finalement que le reflet miséreux d’une civilisation en déclin ? Peu m’importent les préoccupations de ce peuple au devenir improbable, au passé ponctué de pics et de promesses mal tenues. Mon cœur en flammes s’en détourne, attiré par la route.
Un enfant court, il se jette sous la voiture qui roule à tombeau ouvert. Couleur de pneu ? Tourne, retourne et tourne encore. Elle a changé. Rouge sang. Rouge vie. Rouge de rires et de déceptions. Rouge de passion. J’oublie ce petit corps sans vie comme j’oublierai tout le reste au réveil, quand le monde de ma nuit, peuplé de souvenirs improbables et sans pitié, retirera son voile de mes yeux horrifiés ou émerveillés, selon.

Je vis la vie d’un songe, endormie, je prends ce qu’il me donne, je me défends contre ses griffes acérées ou j’accepte ses témoignages éphémères de tendresse. Tout va trop vite. Le monde entier s’évite, se
détourne, baisse les yeux, oublie bien vite qu’ici l’engagement est anodin, les promesses toujours sans lendemain.
Devant mes yeux ébahis, le mirage d’une vie sans virage me montre son visage. Depuis mon petit nuage, j’envisage un saut en parachute jusqu’à cette terre dont j’ai rêvé tant d’images. Appréhension du saut sans filet …
Un …
Deux …
Trois !
Le vent fouette mon visage. Sensation étrange d’un univers à jamais perdu, d’une vie nouvelle pleine de promesses mais dissolue. J’oublie, j’espère, j’envie, et enfin j’atterris. Et tout me paraît plus beau, plus grand. C’en est fini de ma vie mini, de ce monde pourri !

Sur la ligne de cet horizon nouveau, un point aux allures étranges se dessine. Une peu comme une lune : pâle … mais unique ! Je la fixe obstinément, et elle m’ouvre les yeux. Je reviens à moi.
Traîtrise du réveil après la sieste !

Publié dans En vrac

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L
Un texte déroutant, j'ai eu du mal à te suivre dans ce délire. Mais de belles sonorités, des images parlantes. Un beau texte par lequel il faut se laisser porter sans trop chercher le sens je crois.
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*
Tu n'es pas la première à avoir cette réaction. C'est un rêve. C'est toujours déroutant, non ? C'était bien mon but en tous cas ;)